La théorie des trois âges constitue une notion fondamentale sur laquelle repose l’archivistique contemporaine. Les archives sont le fruit des actions de tri, de classement et de traitement de la part des archivistes, dans le but de mieux les préserver et de leur assurer une conservation en toute sécurité. Pour y parvenir, ils s’appuient sur trois périodes d’une archive selon leur durée de vie.
Trois âges d’archivage
Les archives courantes correspondent à la période de création d’un document ou d’ouverture de dossiers matériels ou électroniques. Ils sont immédiatement et quotidiennement utiles aux affaires.
L’âge des archives intermédiaires est celui où les documents et dossiers cessent d’être d’un usage quotidien ou régulier. Malgré tout, ils doivent être conservés pour d’autres raisons (obligations juridiques, fiscales, d’information…). Leur valeur administrative directe subsiste encore et une conservation de précaution à assurer détermine leur durée d’utilité administrative et donc leur conservation temporaire (plus ou moins longue) ou non.
Cette théorie s’inscrit dans une démarche de contrôle et de gestion du cycle de vie des archives en fonction d’une part de la valeur intrinsèque de chaque archive et d’autre part en fonction de leur utilisation.
Une notion née dans les années 40
La séparation en trois phases est formulée pour la première en 1948 dans le rapport d’un groupe de travail de la Commission Hoover. sur l’organisation et le fonctionnement de l’administration fédérale des États-Unis.
La définition d’un cycle d’existence pour les grandes accumulations de documents créées par les bureaucraties modernes fait alors partie du processus de planification de moments précis pour leur évaluation.
L’objectif est alors de réduire la masse des documents périmés par leur destruction en temps utile. Le groupe de travail note à l’époque que l’établissement de tableaux de gestion permet de programmer les éliminations de documents aux moments les plus appropriés en tenant compte de leur valeur directe (primaire) ou résiduelle (secondaire) décroissante.
Fort retentissement en France et en Europe
En France, c’est Yves Pérotin, archiviste et historien, qui formule le premier le concept en 1961 dans un article publié dans la revue Seine et Paris. Il propose alors les termes « archives courantes », « archives intermédiaires » et « archives définitives » et suggère d’abord aux archivistes de s’intéresser au contexte de production des documents avant leur versement aux archives pour mieux en contrôler l’évaluation.
Cette publication d’Yves Pérotin fait grand bruit à l’époque. Son article traduit en anglais pour la revue The American Archivist est pendant longtemps le seul à vraiment bien caractériser le lien entre les documents administratifs créés au jour le jour et les archives. Sa théorie s’étend partout en Europe. Le Français est aussi le seul à proposer une méthode de programmation des évaluations progressives des documents aux divers stades de leur conservation.
La théorie est néanmoins contestée à l’époque. Pour ses détracteurs, elle laisse supposer que la valeur d’un document s’accroît mécaniquement avec le temps plutôt que d’interroger son intérêt dès sa création.
Une reconnaissance juridique…mais pas numérique
Le modèle est pourtant reconnu sur le plan juridique en France par la loi du 3 janvier 1979. Elle établit une définition légale des archives publiques et privées, leur conservation et leur usage. Nait alors l’un des axes qui déterminent la sélection, donc le tri et l’élimination, des documents publics.
Le décret du 3 décembre 1979 ajoute une disposition précisant que le tri des documents ne doit pas s’effectuer avant la perte de leur utilité administrative, sans toutefois indiquer de manière plus opérante la durée de vie d’une archive courante ou le moment effectif du tri. Au-delà des frontières françaises, plusieurs pays européens et notamment l’Allemagne prêtent une attention particulière à cette théorie.
À l’heure du développement de l’archivage numérique, la théorie a de nouveau fait débat et son utilité a été à nouveau contestée. Dans un colloque à la Sorbonne en 2004, Marcel Caya, ancien archiviste et professeur en archivistique au Canada, évoquait déjà cette question qui est toujours d’actualité : quelle est la pertinence de la théorie des trois âges dans l’univers électronique ? Une question toujours en débat…
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